Maître Mouhamed Tchassona Traoré, président du e Mouvement Citoyen pour la Démocratie et le Développement (MCD),candidat à la présidentielle de 2015 au Togo et membre de la Coalition de l’opposition togolaise (C14) qui est dans la rue depuis le 19 Août 2017 pour exiger les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Il réagit sur la feuille de route comportant les recommandations de la CEDEAO  pour une sortie de crise au Togo. Lisez l’interview réalisée par le site panafricain d’information www Afrique-News.Info

Bonjour président, après la feuille de route de la CEDEAO, comment en tant que membre de la C14, vous vous sentez ?

Tchassona Traoré : Ecoutez, nous avons accueilli la feuille de route de la CEDEAO avec philosophie et hauteur. Nous analysons le contenu pour voir comment évoluer dans sa mise en œuvre en toute confiance avec l’appuis des facilitateurs du comité de suivi pour briser ce mur d’incompréhension qui a alimenté depuis des années l’absence d confiance mutuelle et des réflexions dans stratégiques pour mettre notre pays sur les fondamentaux de la construction d’une démocratie apaisée .

Avant d’être membre  de la C14, vous êtes avant tout, président du MCD et ancien candidat à la présidentielle de 2015 au Togo. Comment le MCD accueille et analyse cette feuille de route  de CEDEAO ?

Tchassona Traoré : Cette feuille de route est une décision des chefs d’Etats qui a été surtout élaborée sur la base des revendications que nous avons formulées à l’endroit de l’instance sous régionale qui a aussi écouté le parti d’en face. Elle a cru devoir nous servir ce qu’elle a jugé bon pour tous les togolais dans notre quête démocratique. Il revient à chaque camp, à chaque  acteur politique, à la société civile et à chaque citoyen togolais d’en prendre la mesure de s’investir résolument dans sursaut patriotique pour en tirer toutes les conséquences au profit de la nation togolaise.

En tant que togolais et chef de parti politique membre de la C14, est-ce que vous êtes satisfait de cette feuille de route ?

Tchassona Traoré : Avant d’être président d’un parti, je suis d’abord citoyen de mon pays et en tant que tel, la feuille de route nous l’apercevons comme un moyen et non comme  une fin en soi. Il nous reviendra à  tous de travailler à sa mise en œuvre afin d’aller de l’avant. Il ne sert à rien de dire qu’on est satisfait ou insatisfait. Certes nous aurions voulu que bien des points nous soient exprimés non en des termes assez généraux qui aliment des polémiques actuellement mais en des termes beaucoup plus détaillés pour que la compréhension soit commune à l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, l’illustration de ce que  nous disons c’est le débat autour de la CENI qui devrait être recomposée.

Il en est de même de la possibilité qui est offerte à nos compatriotes vivants dans les pays étrangers de pouvoir voter. Nous aurions souhaité que cette revendication phare qui obéit à la lettre et à l’esprit de notre constitution soit exprimée en des termes plus impératifs pour que dès les prochaines élections, on puisse connaitre sa mise en œuvre surtout que la satisfaction de cette exigence ne nécessite pas une modification constitutionnelle encore moins une loi particulière, étant donné que le togolais reste togolais où qu’il se trouve à l’exception de ceux qui ont perdu leur nationalité. Enfin nous aurions voulu également que la recommandation relative  à la refonte du fichier électoral puisse également comprendre celui du redécoupage électoral. Par ailleurs, les togolais depuis plus de 20 ans sont sevrés des élections locales qui auraient pu être couplées avec les prochaines élections législatives. De toutes les façons, l’ensemble de ces questions peuvent trouver leurs solutions si nous faisons tous preuve de hauteur, de compromis pour exploiter cette feuille de route dans le sens plus large et dans l’intérêt de notre pays.

Mercredi vous avez échangé avec le président de la Commission de la CEDEAO sur la mise en œuvre de cette feuille de route. De quoi aviez-vous parlé concrètement ?

Tchassona Traoré : Il s’est agi essentiellement, une semaine après la publication de cette feuille de route, pour le comité de suivi de venir nous aider à mettre en place un chronogramme pour aller de l’avant dans l’exécution et la mise en œuvre de cette feuille de route. Donc après que toutes les parties aient pris le temps d’analyser la feuille de route, il faillait renouer les contacts pour voir comment avancer. C’est en quelque sorte un service après-vente que la CEDEAO commence par assurer. Le but principal de cette rencontre est de mettre en place le comité de suivi et un chronogramme pour la mise en œuvre de la feuille de route.

Selon le chef de file de l’opposition, la C14 a fait quelques observations sur cette feuille de route. De quoi s’agit-il ?

Tchassona Traoré : C’est bien normal, c’est une feuille de route qui a été proposée en fonction des propositions des uns et des autres. Donc il peut avoir des interprétations diverses. Il faut voir s’il n’y a pas des oublis. Par exemple on parle de refonte du fichier électoral, il faut savoir si c’est au sens strict ou large. Si c’est au sens large, cela suppose qu’il faut prendre en compte le découpage électoral. Ce sont quelques-unes des questions qui ont été soulevées plus quelques recommandations pour permettre une meilleure mise en œuvre de la feuille de route. Il s’est agi également des mesures d’apaisement pour la libération des détenus et le retour des réfugiés

Au sortir de cette rencontre, que pensez-vous de la polémique selon laquelle il y aurait eu traficotage de la feuille de route de la CEDEAO du 31 juillet dernier ?

Tchassona Traoré : Je pense que c’est une question de rédaction et je ne crois pas que la C14 a relevé cela comme problème. Nous avons reçu la feuille de route paraphée par les instances de la CEDEAO et on s’en tient à cela. Je ne vois pas où est le problème. Le problème n’est pas à ce niveau. Il s’agit actuellement de savoir que faire pour que la mise en œuvre de la feuille de route aboutisse. Si on n’était pas dans la feuille de route, on n’irait pas à cette réunion et vous vous souvenez que la C14 a dit qu’elle a pris acte de la feuille de route malgré les insuffisances relevées. Nous restons convaincus qu’à partir des prochaines rencontres, s’il y a des obstacles, on pourrait ensemble  chercher les voies et moyens pour les transcender afin d’évoluer vers l’achèvement de cette crise qui a trop duré.

Quels sont les manquements que vous pouvez relever dans cette feuille de route ?

Tchassona Traoré : Il ne m’appartient pas aujourd’hui de vous les relever tant que cela n’a pas été rendu public. Notez tout simplement que le but de la rencontre avec les émissaires de la CEDEAO est de mettre en place un chronogramme en vue de la mise en œuvre de cette feuille de route. Nous sommes des responsables politiques et il ne sert à rien de créer encore des polémiques autour de cette feuille.

La CEDEAO vous donne 4 mois pour mettre en œuvre cette feuille de route et aller aux élections le 20 décembre. Techniquement, pensez-vous que c’est possible de tenir dans le délai  ou cette date reste indicative  comme pensent certains ?

Tchassona Traoré : L’essentiel pour nous est de rentrer dans ce chronogramme qui  sera établi par la CEDEAO et nous verrons si techniquement cette date reste tenable. Le tout n’est pas de dire que ce n’est pas tenable mais faut-il encore que tout ce qu’il faut faire pour aller à des élections libres, démocratiques et transparentes, que les faits viennent démentir cette proposition. Si techniquement à l’épreuve des faits et réalités nous arrivons au constat que cette date n’est pas tenable on n’avisera.  Et les togolais et la CEDEAO comprendront qu’il faut donner plus de temps pour parvenir avec les reformes nécessaires à la bonne date.

Il faut noter que le code électoral prévoit un certain nombre de délais pour faire certaines opérations électorales. Il en est ainsi du recensement, recensement général, l’affichage et la publication du fichier électoral, l’établissement des cartes de vote au plan national comme à l’étranger. Tout ceci nécessite un certain temps. Si par extraordinaire on arrive à tenir toutes ces opérations dans le délai de quatre mois à la satisfaction de tous, on pourrait pourquoi pas aller aux élections le 2O décembre.

Parfois on a l’impression qu’il y a deux camps au sein de la C14. Pendant que la coalition par la voix de sa coordonnatrice dit rester sur sa soif, le PNP qui est le principal instigateur de ces derniers évènements,   dit être satisfait à 75%.  Finalement, c’est quoi le problème ?

Tchassona Traoré : Vous savez,  le diable se trouve dans les détails. Le seul point qui fait polémique c’est le fait pour  nos amis du PNP donner leur taux de satisfaits à 75% de la feuille de route de la CEDEAO.  Ils sont donc le seul parti à avoir donné un pourcentage. Aucun parti n’a donné de pourcentage.  J’estime que ce sont des éléments de langage. Avez-vous demandé aux autres partis à quel leur niveau de satisfaits ? La C14 a pris acte de la feuille de route et c’est ce qui est essentiel. Il faut éviter les détails car si nous n’avons pas donné de taux de satisfaction, cela ne veut pas dire que nous sommes contre ce qu’ils ont dit ou qu’ils sont contre ce que nous disons. Cette polémique qui tend à opposer le PNP aux autres partis de la C14 rentre dans un système de déstabilisation de la coalition.

Ce n’est pas une question de déstabilisation de la coalition président. Le PNP aurait pu suivre la dynamique du groupe en s’alignant tout simplement sur la déclaration de la C14 ?

Tchassona Traoré : Donc vous pensez qu’on doit dicter à chaque parti comment répondre aux questions des journalistes ? Ils sont libres de pouvoir exprimer le taux de satisfaction tel qu’ils l’ont ressenti. Le plus important, c’est de tenir compte de la position officielle de la C14 qui a pris acte de la feuille de route malgré les insuffisances.

Dans ces conditions, est-ce qu’il y a vraiment la sérénité au sein de la coalition?

Tchassona Traoré : Vous pensez qu’il y a des divergences au sein de la C14 ? Vous croyez qu’il y a des problèmes ? Il y a bien plus que la sérénité au sein de la C14. Hormis le fait que le PNP n’a pas voulu participer aux meetings estimant qu’il y a de l’insécurité, cela n’a pas empêché la C14 de faire ses meetings. C’est ce qu’on appelle liberté. Le consensus ne veut pas dire unanimité.

La CENI dit avoir repris ses activités alors que selon la feuille de route de la CEDEAO, il faut un travail consensuel. Quelle est votre réaction ?

Tchassona Traoré : Effectivement nous avons été surpris par cette annonce de la CENI mais nous osons croire que c’est juste un effet d’annonce et que lors des prochaines séances avec le comité de suivi de la feuille de route, nous saurons de quelle manière et pourquoi la CENI a cru devoir relancer unilatéralement les débats. Nous ne voulons pas faire trop de commentaire à ce propos. Je fais confiance au comité de suivi et au génie des togolais pour une sortie heureuse.

Pour terminer, la C14 parle d’une CENI paritaire alors que l’actuelle CENI est issue de l’APG. Est-ce dire que c’est la fin de l’APG ?

Tchassona Traoré : D’abord il faut dire que la composition théorique de l’actuelle CENI est paritaire. C’est la mise en œuvre qui pose problème et vous connaissez ma position par rapport à cette CENI politique. Nous au MCD, nous soutenons l’idée d’une CENI technique. Une CENI politique cause des problèmes politiques. Et c’est d’ailleurs l’une des différentes recommandations des observateurs au Togo. J’espère qu’au cours des prochains travaux de la mise en œuvre de la feuille de route, ce sont des sujets qui pourront être analysés. Avec les facilitateurs qui seront à nos côtés, peut- être qu’on pourra corriger un certain nombre de choses.

 Interview réalisée par JCBAKALI

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here