Nous sommes le 15 septembre 2020. Il fait beau, une belle journée s’annonce. Agbéviadé, une fois ses vêtements de service enfouis, avait embrassé sa femme et ses enfants, démarra sa moto leur promettant de revenir le soir avec peut-être un présent. Mais hélas il ne reviendra guère. À quelques kilomètres de l’arrivée du service, après un virage, il voit un véhicule stationné. Bien évidement, il met en pratique tous ses réflexes : évitement, freinage d’urgence… Il percute quand même le véhicule et, dans le choc, la moto lui retombe dessus. Les premiers gestes effectués ne pourront malheureusement pas lui sauver la vie. Fracture des cervicales : il meurt sur le coup. Je racontais cette mésaventure au bureau quand un collaborateur me fit ce témoignage que je nomme : « l’inconscience de la jeunesse »

Un soir, entre jeunes, nous organisons un barbecue chez une amie. Tout se passe très bien, on décide d’aller faire quelques courses en voiture après avoir déjà un peu bu. L’ami qui conduisait était réputé être un conducteur fou, il faisait aussi des demi-tours au frein à main sur les places publiques ou terrain de foot, a priori sans danger. Ce soir, on lui demande en chœur de faire un petit show et c’est parti pour les demi-tours sur le terrain du lycée d’Agoè, pas d’accident.

En ressortant du terrain cependant, sans doute grisé par son succès, il décide de faire le virage pour en sortir au frein à main, il perd le contrôle du véhicule et nous heurtons le bord de la route, la voiture se retrouve sur la tranche gauche… Jusqu’ici sans grande gravité pour les passagers, mais j’avais ressenti un coup derrière la tête. En reprenant mes esprits, je me rends compte que je saigne de l’arrière de la tête. Son amplificateur n’était pas fixé sur la place arrière et dans le choc m’a heurté la tête.

Après un court passage aux urgences, je rentre chez moi un peu dégoûté de ces négligences en chaîne, surtout en colère contre moi-même. Bien des années plus tard, j’ai appris que cet ami de l’époque avait eu un grave accident au cours duquel la passagère était décédée alors qu’il était légèrement alcoolisé.

Parfois il ne suffit pas d’avoir des avertissements, il faut des drames pour prendre conscience des dangers. La jeunesse est malheureusement remplie d’anecdotes de ce type, si ce témoignage permet à une seule personne de prendre conscience des dangers et de rouler plus sereinement en voiture ou à moto, j’en serais tellement heureux. Parce que la vie ne tient qu’à un fil et qu’elle est si précieuse.

Parlons-en des accidents sur nos routes.

Dans mon pays, les images des cadavres déchiquetés à la télévision ne choquent plus personne. Cela est devenu un spectacle, même les enfants les regardent sans problème. Les gens se ruent sur les réseaux sociaux pour être les premiers à les annoncer. On a banalisé les accidents, parce qu’on a banalisé la vie humaine.

Le réseau routier est dans un état désastreux et accueille des « cercueils roulants » ou « France au revoir ». Il faut noter que les drames de la route dans notre pays sont le résultat d’un laxisme généralisé : réseau routier impraticable, état désastreux du parc automobile, des zed men indélicats qui n’ont aucune maîtrise de conduite et du code routier et des chauffeurs aux permis de conduire frauduleux ou sans permis de conduire. Autant de facteurs de risque.

Dans mon pays, vous serez surpris de constater que sur nos routes, ce sont les passagers qui encouragent les chauffeurs à aller plus vite. Le chauffeur est déjà à 110 ou 130 km/heure et les gens, plutôt que d’être inquiets, lui demandent d’accélérer. Certains passagers n’hésitent pas à le distraire en blaguant sur tout et n’importe quoi. C’est surréaliste.

Il est clair que des pays qui ont fait des progrès, ont pris des décisions au plus haut niveau de l’Etat, pour s’attaquer aux problèmes par la mise en place de coordination multisectorielle, avec des lois appropriées. Il faut qu’il y ait une décision politique. Il faut que les décideurs, au plus haut niveau de l’Etat, prennent en charge la sécurité routière.

J’appelle le gouvernement et le parlement à adopter des lois adéquates sur les principaux facteurs de risque, pour prévenir les décès sur les routes. Des lois liées notamment au comportement des utilisateurs routiers, à la vitesse, à la conduite en état d’ivresse, au non-port du casque de moto et de la ceinture de sécurité.

Adopter des lois, mais surtout les mettre en œuvre, avec des contrôles policiers sur la vitesse et l’alcool au volant. Tout en empêchant de construire des routes qui ne soient pas sûres. C’est-à-dire des routes sans trottoirs, sans pistes cyclables, où les enfants se font écraser sur le chemin de l’école.

Le manque de moyens n’est pas une excuse, même si la sécurité routière coûte très cher. Il faut continuer à travailler pour éradiquer la corruption de la police et continuer parallèlement à améliorer sa formation pour qu’elle fasse bien son travail. On en a marre !

QUE DIEU BENISSE LE TOGO.

Hon. Innocent KAGBARA

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