Le second tour de l’élection présidentielle au Liberia aura-t-il lieu le mardi 7 novembre ? C’est la question que bien des observateurs se posent à moins de 24 heures de l’échéance ; et pour cause !

C’est aujourd’hui que la Cour suprême devrait rendre son verdict dans la plainte formulée contre le premier tour du scrutin par le candidat du parti de la Liberté, Charles Brumskine, arrivé troisième avec 10% des voix. Même Joseph Boakai, le candidat arrivé deuxième à l’issue du premier tour avec 29% des suffrages exprimés, qui devrait disputer le second tour, s’est joint à la contestation du scrutin.

Si le parti de la Liberté et son candidat pointent du doigt des « fraudes » et de « grossières irrégularités » pour demander l’annulation des résultats du vote du 9 octobre dernier, Joseph Boakai et sa formation politique, le parti de l’Unité, mettent à l’index, pour leur part, la mauvaise organisation du scrutin et le parti pris de certains membres de la Commission électorale nationale (NEC) pour demander l’épuration de celle-ci. Fraudes, mauvaise organisation, parti pris de membres de la NEC, c’est sur toutes ces irrégularités supposées ou réelles que la Cour suprême devrait trancher ce lundi.

Les regards sont donc tournés vers le « Temple of justice », siège de la Cour suprême à Monrovia, et le suspense porte moins sur le report du second tour que sur l’invalidation possible des résultats du premier tour.

En effet, que la Cour suprême donne raison ou pas aux plaignants, on voit mal des votes se dérouler demain au Liberia. De fait, aucun des deux candidats arrivés en tête au premier tour, George Weah (39%) et Joseph Boakai (29%), n’a battu campagne pour le second et, plus handicapant pour le scrutin, la NEC a suspendu depuis une semaine les préparatifs y concourant.

Le report s’impose donc dans les faits, et les deux inconnus du suspense qui en découle sont d’un, la nouvelle date de la tenue du scrutin et de deux, la décision de la Cour suprême de suivre ou pas les plaignants dans leurs requêtes visant aussi bien l’annulation des résultats du premier tour que l’épuration de la NEC de ses membres jugés partisans. L’attente de cette décision de la Cour suprême n’est pas sans susciter quelques craintes de violences de la part des partisans de George Weah, impatients de voir leur champion transformer ce troisième essai en victoire.

Au demeurant, les plaintes devant la Cour suprême et les accusations de partialité alléguées contre la NEC pouvant entraîner une reprise du premier tour de cette présidentielle sont perçues par le parti de George Weah, le Congrès pour le changement démocratique (CDC), comme des manœuvres contre son candidat. Une alliance « Tout sauf Weah », qui ne dit pas son nom, serait en marche pour empêcher le Ballon d’or africain d’accéder à la magistrature suprême libérienne.

On rappellera que le candidat du CDC était déjà arrivé en tête aux premiers tours des élections présidentielles de 2005 et de 2011, avant d’être battu aux seconds. Il ne voudrait donc pas revivre le même scénario en 2017, l’année de sa dernière chance, selon ses propres déclarations. Mais l’alliance informelle « Tout sauf Weah » ne voit pas, même en peinture, l’ancien joueur de football succéder à la présidente, Johnson Sirleaf.

Il faut le dire, George Weah est un candidat atypique qui dérange l’establishment politique libérien, et peut-être d’ailleurs, pour ne pas être sorti du moule des grandes écoles et autres universités de renom alors qu’il prétend à gouverner le pays. Ainsi il n’est pas rare que, dans des cercles restreints, ces contempteurs se gaussent de son niveau intellectuel et de ses connaissances approximatives des questions sociopolitiques et de développement.

Mais laissons de côté les profils personnels des 20 candidats à cette présidentielle libérienne, car à côté de George Weah, on en trouverait dont le background universitaire ne vole pas haut. Du reste, George Weah, chaque fois qu’il a été candidat à l’élection présidentielle, a montré durant la campagne qu’il ne fallait pas forcément être diplômé d’Harvard, de Cambridge, de la Sorbonne où de je ne sais quelle autre grande école ou institut polytechnique pour connaître les problèmes de son pays et avoir des ambitions et des idées pour les résoudre.

Et puis, il n’est pas seul dans son parti, même si son colistier, l’ex-épouse de Charles Taylor, ne rassure pas tous les Libériens et même au-delà. Plus important que les biographies des différents candidats et de leurs colistiers, ce qui est en jeu dans le probable report de ce second tour de l’élection présidentielle, c’est la santé de la démocratie libérienne. Il y a comme des faiblesses organisationnelles et institutionnelles qui ont fait que la Cour suprême n’a pas eu le temps de se prononcer sur les recours introduits auprès d’elle avant la veille de l’organisation du second tour.

Dès lors, des questions se bousculent à l’esprit des analystes dont la plus lancinante est de savoir de combien de temps aurait besoin la NEC pour se recomposer et se réorganiser afin que les scrutins à venir soient acceptables si la Cour suprême venait à donner raison aux partis qui l’en ont saisie. Que feront les partisans de George Weah si, à l’issue de la reprise de l’élection, il n’est plus qualifié pour le second tour ?

Il y a comme un syndrome kényan qui guette le Liberia. Au Kenya, c’est connu, la Cour suprême, en voulant bien faire, avait invalidé les premiers résultats de l’élection présidentielle. Tout le bien qu’on attendait de cette décision a tourné au fiasco, les principaux candidats s’étant radicalisés avec comme résultat, des élections mi-figue mi-raisin et un président élu avec un score soviétique mais sans grande légitimité.

Les leçons kényanes serviront-elles au Liberia ? Il le faut bien, car sans être volatile, la situation sociopolitique a besoin d’une paix durable. Les 16 années de guerre civile ne sont pas loin. Il faut éviter de réveiller les vieux démons. Le mécontentement des militants et partisans du CDC est palpable. Ils ont déjà molesté un animateur de radio dans la capitale, Monrovia, pour avoir critiqué leur candidat, George Weah.

Même si ce dernier appelle au calme et déclare qu’il suivra la légalité jusqu’au bout, il faut craindre qu’il soit débordé par sa base sur le terrain et que des actes de violences polluent l’avant et l’après-scrutin. Touchons du bois pour qu’on n’en arrive pas là.

 

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