Chaque année, des millions d’hommes et de femmes quittent leur foyer et leur pays dans l’espoir d’améliorer leur sort et celui de leur famille. La plupart sont poussés par la perspective de salaires plus élevés et de possibilités accrues, mais certains sont contraints d’émigrer pour échapper à la famine et à la pauvreté, survivre à des catastrophes naturelles et à la dégradation de l’environnement et fuir la violence des conflits ou des persécutions. Le phénomène concerne un nombre croissant de pays, qu’il s’agisse des pays d’origine, de destination ou de transit, ou de pays cumulant ces trois caractéristiques.

Les travailleurs migrants sont un élément central des chaînes d’approvisionnement mondiales. Ils travaillent dans tous les secteurs et rôles économiques, y compris dans les métiers professionnels, les bureaux, les services, le travail manuel et l’industrie. Ils assemblent nos ordinateurs, smartphones, vêtements et chaussures, et les jouets de nos enfants. Les migrants travaillent sur des chantiers de construction pour ériger les gratte-ciels du monde, dans les cuisines et les enseignes de restauration rapide, les chaînes hôtelières et de grands magasins, et sur les plantations qui produisent le café, le thé et le sucre. Ils travaillent également sur les navires de pêche qui capturent nos poissons et fruits de mer, et les fermes qui produisent le cacao, les noix et les huiles comestibles qui composent nos encas. Les travailleurs migrants façonnent l’économie et les industries de consommation dans le monde de façons diverses et souvent complexes.

Les emplois de la chaîne d’approvisionnement sont liés à l’économie mondiale. Pour de nombreux migrants, ils représentent une opportunité de générer des revenus, subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille, et d’offrir une voie de sortie du chômage ou du sous-emploi dans leur pays, où l’accès à un travail décent et la protection sociale peuvent être limités. Trop souvent, cependant, la promesse de ces emplois est inassouvie. Les migrants sont confrontés à des emplois temporaires de faible qualité, des conditions de travail dangereuses et de mauvaises règlementations de l’emploi, alors que les voies de recrutement et de migration sont limitées par l’absence de réglementation appropriée, des conditions restrictives sur les droits des travailleurs et de leur famille, ou d’abus.

La pression combinée des recruteurs et employeurs sans scrupules et de l’incapacité pour les travailleurs de faire valoir leurs droits du travail quand ils ont un statut précaire ou irrégulier, se traduit souvent par l’exploitation et le vol des salaires. Dans les pires cas, les conditions vont jusqu’à la traite des personnes et le travail forcé ; de tels abus ont ces dernières années été documentés dans les chaînes d’approvisionnement de certaines des plus grandes entreprises dans le monde.

Intensification des migrations de main-d’œuvre et corollaires

D’après les Nations unies, en 2017, le monde comptait 258 millions de migrants internationaux. Ils ne représentent qu’environ 3,4 % de la population mondiale. Leur nombre progresse, il est ainsi passé de 220 à 248 millions entre 2010 et 2015 (+2,4 % par an en moyenne). Sur les 258 millions de migrants internationaux dans le monde, 106 millions sont nés en Asie. L’Europe est la région de naissance du deuxième plus grand nombre de migrants (61 millions), suivie par l’Amérique latine et les Caraïbes (38 millions) et l’Afrique (36 millions).Les réfugiés, estimés à 25,9 millions en 2016, représentent seulement 10 % des migrants internationaux. La plupart (82,5% des réfugiés) vivent dans des pays en développement.

En 2017, 64 % des migrants internationaux (58 % en 2000), soit 165 millions de personnes, résident dans un pays développé. En 2017, l’Asie et l’Europe sont les deux continents qui rassemblent le plus de migrants internationaux sur leur sol, respectivement 80 et 78 millions, soit 61 % des migrants. L’Amérique du Nord occupe la troisième position avec 58 millions de migrants internationaux sur son sol. En 2017, la majorité des migrants internationaux (67% originaires d’Europe, 60% d’Asie, 60% d’Océanie et 53% d’Afrique) résident dans un pays situé dans leur région de naissance. Par contre, 84% des migrants internationaux venant d’Amérique latine et des Caraïbes et 72% des migrants internationaux venant d’Amérique du Nord résident en premier lieu en dehors de leur zone géographique de naissance.

La famine, la misère, la pauvreté qu’engendre la guerre civile, dans de nombreuses parties du monde, chasse les populations de chez elles, les obligeant à rechercher ailleurs une protection temporaire, souvent dans les pays voisins.Ces dernières décennies, on a noté une intensification des migrations de main-d’œuvre des pays en développement à destination des pays industrialisés.

 Cela est dû à la mondialisation, aux changements démographiques, aux conflits, aux inégalités de revenus et aux changements climatiques qui  poussent de plus en plus de personnes à traverser les frontières à la recherche de l’emploi et de la sécurité. La migration de main-d’œuvre affecte la plupart des pays du monde et les travailleurs migrants contribuent grandement au développement, tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination.

Cependant, le processus migratoire présente des défis complexes en termes d’équité et d’efficacité de la gouvernance, de protection des travailleurs, de liens entre migration et développement durable et de coopération internationale.

Près de 100 millions de personnes arrivent sur le marché mondial du travail chaque année, pour la plupart dans les pays en développement, aggravant le chômage, déjà important, soit, selon les estimations, un milliard de personnes (chômeurs ou personnes en situation de sous-emploi).

Dans certains cas, la migration de masse, lorsqu’elle n’est pas contrôlée, peut aboutir à un surpeuplement dans certaines régions, voire à un entassement dans une nation, au détriment des pays d’origine désertés. Elle implique également une utilisation excessive des ressources d’une nation qui peut conduire à une insuffisance des ressources naturelles. Les immigrants peuvent apporter avec eux des maladies ayant prévalu dans leur pays. Les agents pathogènes peuvent se transmettre d’un pays à l’autre par le biais d’immigrants, conduisant ainsi à la propagation de maladies. Pour réduire ce risque, de nombreux pays adoptent une politique de filtrage des immigrants à leur arrivée dans le pays.

Les frais encourus pour la fourniture de ressources telles que les établissements d’éducation et de santé aux immigrés constituent une charge pour la nation qui accueille les immigrants en grand nombre. Certains disent que la croissance économique provoquée par l’immigration est annulée par les dépenses que le pays d’accueil est amené à consentir. Les immigrés peu ou non scolarisés sont généralement soupçonnés de contribuer à l’augmentation du vol, de la violence et autres pratiques illicites. L’immigration illégale qui a émergé dans certaines parties du monde a prouvé être une malédiction pour les économies des nations et leur bien-être social, et met parfois leur sécurité en jeu.

Quand un pays perd ses citoyens les mieux instruits et les plus talentueux au profit d’un autre pays, il perd en fait les élites et ressources humaines qui lui permettent de se développer. Ceci est d’autant plus cruel lorsqu’il s’agit d’un pays pauvre.

Contribution positive des travailleurs migrants à leurs pays d’origine, de transit et de destination

Au-delà de la crainte de l’appauvrissement qu’engendre la migration, lié à la perte des compétences dans un processus dit de fuite des cerveaux, l’on peut toutefois reconnaitre qu’elle est une chance pour les pays du Sud, par exemple en raison des retours de richesses et de compétences qui accompagnent tout mouvement migratoire.

Ces transferts de fonds bénéficient à la fois aux individus, aux ménages et à l’économie en général. Ils sont en effet aujourd’hui en train de dépasser l’aide publique au développement de par leur importance. Ils ne représentent pas pour autant un substitut à cette aide, mais constituent pour de nombreux pays bénéficiaires une source croissante de capitaux, peu influencés par la conjoncture économique. Ces transferts ont en outre la particularité d’être distribués à un grand nombre de bénéficiaires : selon une estimation du Fonds international de développement agricole (FIDA).

Selon le FIDA, les principaux pays bénéficiaires de ces transferts sont indéniablement les pays d’Asie, avec un total de 114 milliards de dollars (dont en particulier 24,5 milliards pour l’Inde, 21 milliards pour la Chine et 15 milliards pour les Philippines), devançant l’Amérique latine (68 milliards de dollars, dont 24 milliards pour le seul Mexique) et les pays d’Europe centrale, du Sud-Est et de l’Est (51 milliards de dollars, dont 14 milliards pour la Fédération de Russie et 8,5 milliards pour l’Ukraine). Le continent africain se situe en retrait, avec une estimation de 39 milliards de dollars (dont plus de 5 milliards pour l’Algérie, le Maroc et le Nigeria), soit un peu plus que le Moyen-Orient (30 milliards de dollars, dont 7,5 milliards pour la Turquie et 5,5 milliards pour le Liban). Près de 60 pays au monde bénéficieraient annuellement de transferts atteignant un milliard de dollars, et 19 pays d’Afrique reçoivent chaque année un montant supérieur à un demi-milliard de dollars.

« Les 429 milliards de dollars de fonds envoyés dans les pays en développement en 2016 sont l’une des contributions les plus tangibles des migrants à la réalisation des objectifs de développement durable dans leur pays d’origine », avait déclaré Mme Louise Arbour lors d’une réunion thématique informelle sur les migrations au siège de l’ONU à New York.

Ces transferts de fonds sont trois fois plus élevés que l’aide publique au développement et sont plus stables que les autres formes de flux de capitaux privés, a-t-elle rappelé, ajoutant que cet argent a permis à des millions de familles de sortir de la pauvreté.Toutefois, « les coûts de transaction élevés associés aux envois de fonds et les faibles niveaux d’inclusion financière empêchent d’exploiter ces envois de fonds pour le développement », a souligné Mme Arbour, notant qu’au premier trimestre de 2017, le coût moyen global pour envoyer des fonds est demeuré supérieur à 7%, ce qui est nettement plus élevé que la cible de 3% des Objectifs de développement durable (ODD).

Selon elle, la contribution des migrants au développement de leur pays d’origine va bien au-delà des transferts financiers et inclut aussi la diffusion d’idées, de compétences et de connaissances.S’agissant de la perception négative de l’émigration de personnes hautement qualifiées, ce qu’on appelle ‘la fuite des cerveaux’, l’on estime que cet effet négatif est généralement faible et que ces migrants qualifiés auraient été confrontés au chômage s’ils étaient restés dans leur pays d’origine.

S’agissant de la contribution des migrants au développement de leur pays de destination, il est prouvé  les importants bénéfices que ces pays tirent des migrants de toutes qualifications, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement. « Les migrants ont tendance à combler les lacunes du marché du travail qui ne sont pas remplies par la main-d’œuvre locale, ce qui permet à l’économie de croître plus rapidement », a-t-elle noté.

Trois obstacles empêchent une maximisation de l’impact positif des migrations.Primo, des politiques inadéquates peuvent empêcher des résultats positifs en matière de développement. « L’inclusion des migrants dans leurs nouvelles sociétés sur le plus long terme est un complément souvent négligé et essentiel aux politiques d’entrée », a-t-elle dit.

Secundo, les travailleurs migrants et en particulier les travailleurs sans papiers sont souvent exclus des régimes de protection sociale. « Même ceux qui jouissent d’une protection sociale risquent de perdre leurs droits lors du retour ou d’une mobilité ultérieure, car les programmes ont souvent des conditions de résidence sur le long terme, ce qui rend difficile pour les migrants temporaires de réclamer leurs avantages », a dit Mme Arbour. « Les accords qui assurent la portabilité des bénéfices gagnés ont un impact direct sur la vie de millions d’hommes et de femmes en déplacement ».

Tertio, alors que les avantages nets des migrations l’emportent sur leurs coûts, la perception du public est souvent le contraire. « Les politiques répondant à cette fausse perception renforcent la validité apparente de stéréotypes erronés et rendent le recours à des politiques appropriées beaucoup plus difficile », a-t-elle conclu.

Dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui, les travailleurs sont de plus en plus amenés à chercher des débouchés en dehors de leur pays d’origine, en quête de travail décent et d’un meilleur niveau de vie. Les agences d’emploi publiques et privées, quand elles sont correctement réglementées, jouent un rôle décisif pour que les marchés du travail fonctionnent efficacement et équitablement en faisant coïncider les emplois disponibles avec les travailleurs qualifiés correspondants.

Toutefois, des inquiétudes ont vu le jour quant au rôle grandissant joué par des agences d’emploi sans scrupule, des intermédiaires informels et d’autres acteurs agissant en dehors du cadre légal et réglementaire et qui prennent pour proie les travailleurs peu qualifiés. Parmi les abus recensés figurent une ou plusieurs des pratiques suivantes: fraude quant à la nature et aux conditions de travail; confiscation des passeports; retenues illégales sur salaires; servitude pour dette liée au remboursement des frais de recrutement; menaces si les travailleurs veulent quitter leur employeur, associées à la crainte d’être expulsé du pays le cas échéant. Cumulés, ces abus confinent au travail forcé ou au trafic d’êtres humains. En dépit des normes internationales du travail qui régissent le recrutement, les législations nationales et leur application sont souvent insuffisantes pour protéger les droits des travailleurs et ceux des travailleurs migrants en particulier.

Pour résoudre ces problèmes, l’Organisation Internationale du Travail a lancé une «Initiative de recrutement équitable» mondiale afin de:contribuer à la prévention de la traite d’êtres humains et du travail forcé,protéger les droits des travailleurs, y compris des travailleurs migrants, contre les pratiques abusives et frauduleuses lors du processus de recrutement (y compris la présélection, la sélection, le transport, le placement et la possibilité de retour),réduire le coût des migrations de main-d’œuvre et améliorer les résultats pour les migrants et leurs familles en termes de développement, ainsi que pour les pays d’origine et de destination.

Pour un recrutement équitable et une justice sociale et équitable

Dans une déclaration en date du 20 février 2018,l’Organisation internationale du travail (OIT) a  exhorté les instances décisionnelles des pays concernés à organiser une gestion plus juste et plus efficace des migrations de main-d’œuvre puisque les migrants sont encore énormément sujets à des inégalités et des injustices. Ils éprouvent d’énormes difficultés à s’intégrer aux marchés du travail nationaux, et lorsqu’ils y parviennent, c’est très souvent dans la peine. Exploitation, discrimination et violence sont récurrentes dans ces environnements dangereux, insalubres et dénués de droit.

Néanmoins, comme le stipule l’OIT, un traitement juste et équitable des migrants dans le monde du travail est nécessaire et constitue un élément essentiel de la préservation du tissu social et du développement durable. En effet, une intégration des migrants par le travail serait en fait potentiellement bénéfique pour une société, contrairement aux idées reçues. Les communautés nationales peuvent faire en sorte que l’intégration des migrants par le travail soit bénéfique à la fois pour ceux-ci que pour la communauté en question. Certains acteurs en France, issus du public ou du privé, commencent à le comprendre et envisagent peu à peu cette éventualité comme une réponse aux enjeux migratoires.

Des initiatives porteuses d’espoir pour l’inclusion par le travail ; Cas de la France

Dans cette optique, le Gouvernement français s’est muni d’un rapport mené par un député d’Île-de-France, Aurélien Taché, censé dévoiler les grandes lignes de la nouvelle politique immigration-asile. Ce rapport insiste sur les aspects d‘inclusion sociale et d’accompagnement des réfugiés, éléments qui doivent être considérés par la France, afin d’assurer une intégration réussie. Parmi les recommandations faites par le député, les plus importantes portent sur l’apprentissage du français et de la France, c’est à dire une intégration civile et civique, et une amélioration de l‘insertion professionnelle. À ce sujet, l’élu souhaite offrir aux nouveaux venus « un accompagnement global, incluant notamment l’accès au logement et à l’emploi, d’une durée moyenne d’un an« . Cela passerait par des contrats avec les branches professionnelles, des « partenariats avec les grandes entreprises« , mais aussi des reconnaissances partielles de qualifications et un accès plus facile à certaines professions (notamment médicales ou dans la fonction publique).

Dans la même dynamique, le programme HOPE mis en place par l’État français depuis l’été 2017 est un exemple de bonne pratique et de réussite. Hope, qui est l’acronyme du programme « Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi«  a pour objectif de favoriser l’insertion des réfugiés par l’apprentissage concret d’un métier. Une formation gratuite est dispensée à ces personnes, à l’issue de laquelle ils obtiennent un diplôme reconnu par l’État, ce qui favorise grandement leurs démarches administratives, sociales et personnelles pour leur intégration en France.

Cette piste de l’inclusion par le travail représente donc de véritables perspectives d’avenir à la fois pour les migrants et pour les institutions nationales. Les démarches de l’État français sont donc à suivre de près, avec l’espoir que le volet répressif ne prenne pas le pas sur le volet humaniste de cette politique. Pour qu’enfin, les politiques comme les migrants, puissent apercevoir à travers des programmes comme Hope, une lueur d’espoir.

Somme toute, et au vu de tout ce qui précède, il faut reconnaitre que la mobilité des travailleurs d’un pays à l’autre joue un rôle majeur dans le développement économique et la croissance dans les pays d’émigration comme d’immigration.les travailleurs migrants contribuent à la croissance et au développement de leur pays de leurs pays. Et le problème du travail des migrants et leur dépendance à toute forme d’assistance sociale ne se règle pas en les empêchant de venir, mais en levant les barrières à l’accès au travail. Alors il va falloir dans la perspective de la croissance de l’économie mondialisée,  lever les obstacles qui empêchent les migrants de travailler librement. Il en va de la survie de l’économie et du développement mais aussi de l’épanouissement et de l’harmonie du monde.

EkuéKodjo KOUDOHAH

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