
La notion d’habitat est utilisée pour décrire et éventuellement cartographier l’endroit et les caractéristiques du « milieu » dans lequel une population d’individus d’une espèce donnée ou d’un groupe d’espèces peut normalement vivre et s’épanouir. L’habitat durable est définit en opposition à l’habitat précaire dont les caractéristiques sont les suivantes : habitat non réglementaire, absence de procédures légales dans l’acte de construire et de stratégie d’occupation du sol, forte densité, surpeuplement, absence de confort et problème de salubrité, précarité et fragilité sociale, habitat d’eau et d’assainissement…). La nécessité de maintenir un environnement sain, propice à la vie dans la mise sur pied des habitations s’impose à cet effet, d’où la naissance du concept d’habitat durable.
L’article 41 de la Constitution Togolaise dispose du droit un environnement sain reconnu à toute personne. L’Etat veille à la protection de cet environnement. De même, on peut supposer que le principe du droit à un logement dérive du droit à un environnement sain, satisfaisant et durable reconnu par la constitution en son article 41. La gestion durable du cadre de vie est une priorité pour l’atteinte des Objectifs du Développement Durable.
Les Nations Unies estiment à un (01) milliard, le nombre de personnes dans le monde vivant actuellement dans des taudis. Au Togo, selon les estimations de l’ONU-Habitat en 2013, 62% de la population vivent dans des taudis ou autres contextes urbains vulnérables caractérisés par une absence de planification urbaine formelle. Or, le monde est irréversiblement de plus en plus urbain et, depuis 2010, plus de la moitié de la population mondiale vit en zone urbaine. Le Togo, à travers la mise en œuvre de la stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE), et avec l’aide de ses partenaires techniques et financiers, mène déjà de nombreuses actions dans le sens de l’amélioration du cadre de vie.
Les priorités du gouvernement togolais dans la gestion durable du cadre de vie sont à un triple niveau : (i) la réorganisation du secteur du logement ; (ii) l’amélioration du parc immobilier national ; (iii) la mobilisation et l’allocation judicieuse des ressources financières au profit de l’habitat. C’est à ce titre que, la Stratégie Nationale du Logement, un instrument de facilitation de l’accès à un logement décent, a été adoptée en 2009. La question de la protection de l’environnement en vue de le rendre vivable pour les générations actuelles et porteuses d’espoirs pour les générations futures scrute tous les domaines de la vie afin de voir et limiter tous les actes de nature à le dégrader. Aussi les bâtiments qualifiés d’habitation que l’espèce humaine élève pour protéger sa vie ne restent-ils pas en marge des analyses pouvant déceler de sérieuses menaces contre l’environnement.
De son côté, l’ONU définit l’habitat durable suivant cinq (5) critères cumulatifs que sont : la pérennité, la disponibilité de l’eau potable au sein ou à proximité, l’assainissement, les deux sécurités (résidentielle et collective) et la promiscuité. Cette notion d’habitat a subit des mutations suivant les fonctions que l’on l’a assigné. A ce jour et face à l’exigence de plus en plus croissante de la prise en compte de la question de la protection l’environnement, ce concept s’accommode avec celui de la durabilité. Le langage universel commun est donc l’habitat durable.
Le concept d’habitat durable étant d’une importance accrue, les Nations Unies ont jugé nécessaire de consacrer une journée spéciale sur les questions d’habitat durable. Ainsi, la résolution 40/202 du 17 décembre 1985 de l’Assemblée générale des Nations Unies a désigné le premier lundi du mois d’Octobre de chaque année comme « Journée mondiale de l’habitat ». En 2014, le thème de la Journée était « Donnons la voix aux bidonvilles ». Elle avait pour but de donner la voix aux habitants des bidonvilles et de les aider à améliorer leurs conditions de vie.
Cependant, si au plan universel, il est question de la responsabilité collective pour un avenir meilleur de l’habitat humain, l’on peut au regard des différents éléments énoncés plus haut, se demander que fait le Togo en matière d’habitat durable ?
L’état des lieux de l’habitat durable au Togo
La loi N° 2008-005 Portant loi-cadre sur l’Environnement consacre sa section 7 à la protection des établissements humains. Les articles 92 à 95 de cette section sont spécifiquement destinés à l’habitat urbain.
Le décret N° 77-194 du 12 septembre 1977 portant création de la Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat a assigné à cette Direction dix missions et l’article 2 dispose qu’en matière d’habitat, la Direction établie des programmes, des projets d’ensemble de logements, coordonne l’action des divers intervenants publics ou privés, participe et coordonne les recherches en matière d’habitat. L’arrêté N° 006’7/MUH/CAB du 4 mars 2013 portant organisation du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, en sa Section 4 viendra restructurer la Direction Générale de l’Habitat
La dénomination actuelle de la direction est : Direction Générale de l’Urbanisme, du Développement Municipal, de l’Habitat et du Patrimoine Immobilier. Le dernier aspect de cette nouvelle dénomination justifie à juste titre, l’importance qu’a voulue désormais accorder le Togo à la propriété immobilière de l’Etat. Mais de tous les constats, il en résulte la quasi inexistence d’un parc immobilier national.
Des institutions entièrement dédiées à la question de l’habitat durable, ont été récemment mises en place pour mieux prendre en compte les exigences de ce concept. Ainsi le 13 décembre 2013, l’agence nationale d’assainissement et de salubrité publique (ANASAP) a été créée. Elle est chargée de la régulation du fonctionnement de la gestion de la filière des déchets de toute nature, ayant un impact sur la salubrité publique ;
- l’élaboration et révision des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU). A ce jour, 25 localités de plus de 5000 habitants sont dotées de schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme ; soit une proportion de 27,5%
- l’élaboration des plans de détails des SDAU réalisés ;
- la régularisation des lotissements de fait en zone urbaine ;
- l’élaboration de l’étude de faisabilité pour la création d’une banque de l’habitat ;
- la recherche et la promotion des matériaux locaux de construction et la formation des artisans aux techniques d’utilisation des blocs de terre comprimée ;
- l’aménagement de la voie du petit contournement de Lomé ;
- l’aménagement et la réhabilitation de sites en espaces verts dans les centres urbains ;
- l’élaboration du plan de circulation du Grand Lomé et autres actions non moins importantes.
L’Etat togolais a mis en œuvre des projets pour apporter une réponse immédiate et soulager la souffrance des populations pauvres et à revenus intermédiaires. II s’agit notamment :
- de l’étude de faisabilité du projet pilote de 1000 logements sociaux ;
- du projet d’urgence de réhabilitation des infrastructures et des services électriques (PURISE) pour le drainage et l’assainissement,
- de la réhabilitation de la voirie des grandes villes,
- de l’approvisionnement en eau potable et la réhabilitation du réseau électrique dans plusieurs quartiers de Lomé ;
- du projet de cartographie et topographie numérique réalisé avec l’appui de l’agence japonaise de coopération internationale (JICA) qui a permis la création d’une base de données géographique comportant toutes les informations selon les besoins : éducation, occupation du sol, agriculture, commerce, planification urbaine, transport, santé, etc.
- du projet d’aménagement urbain du Togo (PAUT) qui couvre 11 villes du pays, dont Sokodé, Kara, Kpalimé, Atakpamé, Sotouboua, Kétao, Niamtougou, Badou
- et du projet d’aménagement de la zone lagunaire de Lomé (PAZOL).
Les limites des politiques publiques
Avec le foisonnement de financements, la construction d’un habitat durable au Togo devrait être une effectivité mais force est de constater que les avancées sont presqu’inexistantes. Au Togo, plus de 60% des logements ne sont pas décents selon le rapport d’enquête du Questionnaire des Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB) 2013. C’est ainsi que la stratégie nationale du logement a prévu planifier l’espace puis doter toutes les localités de plus de 5000 habitants d’un plan directeur urbanistique. On en compte 110 en 2010 et aujourd’hui encore, ces localités n’ont pas tous encore le document. Le document de planification permet de canaliser le développement des villes sur 20 ans au moins. Selon les résultats de cette enquête, 37% des ménages sont propriétaires de leur logement dont seulement 5,3% possèdent un titre foncier. La proportion des ménages locataires est de 26,2%. Les ménages qui sont logés dans des maisons familiales représentent 34,8%. En milieu rural, près de 47,6% des ménages sont propriétaires de leur logement contre seulement 23,3% en milieu urbain. Le milieu urbain se caractérise aussi par une forte proportion de locataires 50,1%.
La prolifération des conflits domaniaux (insécurité foncière) décourage les citoyens à investir dans la construction des logements décents en matériaux définitifs. Le surpeuplement dans certains quartiers populaires, dû au coût élevé des loyers, l’installation anarchique les long des rails ou dans des zones à risque (inondables – lit du Zio par exemple), ou normalement interdit d’habitation comme les voisinages des usines en zone industrielle sont entre autres paysages encore existant à Lomé.
Le Togo s’est inscrit au programme participatif d’amélioration des bidonvilles lancé par le secrétariat de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Secrétariat ACP), financé par la Commission Européenne (CE) et mis en œuvre par ONU-Habitat. A ce jour, il n y a pas grand-chose de visible en faveur d’un habitat durable.
Bien que la direction générale de l’urbanisme et de l’habitat ait changé de dénomination en vue d’intégrer le Développement Municipal et le Patrimoine Immobilier, les pratiques administratives et techniques sont demeurées les mêmes. Entre autres limites, on note qu’il y a très souvent des chevauchements de compétences, et les services de l’Etat sont souvent contradictoires dans leurs décisions (la direction de l’urbanisme peut interdire la construction dans une zone et le cadastre viendra à son tour l’autoriser.)
Le manque de ressources humaines, de matériel de travail et de financement empêche la mise en œuvre des politiques et l’exécution des plans (à la direction de l’urbanisme par exemple, seul le directeur est urbaniste de formation, et la direction ne dispose même pas d’un véhicule pour les missions ou intervention). Tous ces problèmes sont aggravés par le manque de volonté politique qui empêche la prise de mesures efficaces.
Léon Dounwourgue